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Olive et Sardine
3 mars 2011

KABYLES

Nous posons nos sacs dans un petit hôtel bon marché du centre. Son nom, Djurdjura,  perdra très vite de son mystère et les gérants nous conteront leur Kabylie, le visage brillant comme celui du pèlerin. Nos hôtes vivent à Alger depuis l’enfance mais leur attachement à la région est demeuré intact.

Paumes en l’air, mains mimant l’écoulement d’une terre nourricière, Kader tient le langage de l’exilé banni de la terre promise. : « Là-bas, dit-il comme tous les autres, là-bas, tes  joues seraient toutes rouges du bon air. Le Djurdjura, c’est la montagne des kabyles. C’est beau là-bas, tu verrais… Il y a la neige maintenant !  C’est mon pays : je suis kabyle moi. C’est mon pays ! »Un serveur ajoute qu’il fait 250 km de route pour dormir tous les soirs dans son village.

L’identité est forte, renforcée par un récit rempli de symbolisme. « Les kabyles sont des berbères comme les Touaregs par exemple. Ils sont les premiers habitants du Maghreb. Les turcs sont venus ensuite, et puis il y eut les français. Ah oui, il y a eu les arabes. Ils étaient là avant les français. » En effet, ils sont arrivés dès le  VI° siècle et ont islamisé la région.Notre homme semble avoir du mal à accepter cette migration. Sur son portable, il nous montre le signe kabyle qui tournoie, une vidéo de danse, kabyle, ajoute-t-il encore, un reportage de France 3 sur la région, une photo de Matoub Lounès, chanteur adulé, ainsi que des vidéos de ses apparitions à la télévision française. « Il a été tué, soi-disant par les terroristes ! Mais il gênait l’Etat aussi… » La fin de la phrase semble alors suspendue à ses lèvres.

« Nous ne parlons pas arabe mais kabyle. Le kabyle est plus proche du français. D’ailleurs, je parle mieux français qu’arabe. C’est fréquent en Kabylie. Mon père ne parle que français. »,ajoute-t-il la voix hachée en roulant autant les R que les mécaniques. Les coughsurfers kabyles sont plusieurs à marquer français courant et arabe intermédiaire. Le français est régulièrement indiqué première langue alors que l’arabe a été étudié à l’école.

«Le problème ici, c’est les arabes. Ils détruisent tout. Ils ne travaillent pas. Ce sont des feignants. Les français faisaient tout mieux. A côté, un kabyle voulait ouvrir un dépôt d’alcool. Les habitants ont fait passer une pétition et la wilaya n’a pas donné son autorisation. Ce sont des jaloux ! En Kabylie, on peut boire du vin : ce n’est pas grave. » Ce propos en rappelle un autre, un vieil homme qui, il y a 4 ans, faisait l’apologie de Le Pen dans un village du Djurdjura  sans savoir que les français ne distinguent pas arabes et berbères, une réalité ignorée semble-t-il. « Vous m’avez reconnu dans la rue. Vous avez vu que j’étais blanc comme vous, que vous pouviez me faire confiance », nous dit un homme à qui nous demandons l’adresse d’un restaurant. « En vérité, tu souriais et nous regardais de façon appuyée », pensait-on.

« En Kabylie, il n’y a pas eu de terroristes ou très rarement. Ils ne sont jamais rentrés dans les villages parce que là-bas, on  connaît tout le monde. Notre religion est tolérante. », nous dit Hamid. D’autres versions rapportent la complaisance des kabyles envers l’ennemi de leur ennemi de leur adversaire de toujours, l’Etat algérien, ce qui leur aurait aussi assurer une certaine sécurité. Rachid croit tout de même bon de rappeler que « Les traditions sont importantes là-bas. Tout homme digne de ce nom doit se marier. Il faut que le couple ait un garçon pour qu’il puisse s’occuper des parents plus tard. » Étonnamment, nous avons aussi rencontré plusieurs kabyles se déclarant athéeset prodiguant une séparation entre l’Etat et le religieux.Mais nos hommes ont toujours incriminé en premier lieu l’action de l’Etat en matière religieuse. L’opposition assimilant religion et pouvoir étatique peut parfois mener jusque-là. « Je ne crois pas en Dieu, nous dit le serveur. Et je ne veux pas que l’Etat s’en mêle. »

Il ajoute juste après, changeant radicalement de ton : « Dommage que je travaille : je t’aurais emmené dans les montagnes. Là-bas, on mange le couscous tous les jours. Tu aurais vu deux petites pommettes pousser sur ton visage. » L’accueil des kabyles est loué dans toute l’Algérie et à juste titre. On traverse la Casbah et on est invité par une famille. On vient manger un couscous et on nous le paye. L’étranger doit être traité avec bienveillance et aménité.

Le ventre rempli d’un festin de semoule, nous rentrons à l’hôtel. Dans le salon, le journal passe des images de manifs à Alger. « Il n’y a que des kabyles dans les manifs. Les autres s’en foutent. Les arabes ne veulent pas le changement : ils ne veulent pas travailler. » Les arabes ne sont peut-être pas dupes non plus sur les motifs des manifestations…

 

Th__clope

 

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